EXHIBITA.CH/EAT THE TOOL

Georgia Sagri

(français ci-dessous)

April 19 – Mai 17, 2015

An online exhibition with live streaming (www.exhibita.ch) and a physical exhibition at Forde

Opening
Sunday April 19th, from 6 pm

Presentation/performance
Thursday April 23rd, 4–9 pm
(live streaming on www.exhibita.ch)
watch the performance

open Saturdays and Sundays, 3–6 pm, and by appointment

There is an old story that gets told in North America about an Eskimo who has thirty-six different words for snow. It probably isn’t true. But I am more interested in what the story is about than whether or not it is true. What are people trying to communicate when they tell this story? What do we talk about when we talk about Eskimo snow argot? What are we saying about language and about how it relates to every day behaviors? The simple response would be, presumably, that Eskimos have a great deal more experience of snow than non-Eskimos do, and so they have developed a highly sensitive faculty of taste in the matter of snow; they can distinguish between different kinds of snow with a specificity that boggles our own less-experienced minds. Because we lack this language to describe winter precipitation, each of our experiences of snow are, pardon me, rolled up into one word: snow. Even as we understand that there is a big difference between a few, small, gently sifting flakes and driving streams of sleet and large casual floaters that vanish before the dawn.

We understand these differences, but when we try to remember them, we find that we don’t have the tools. Or we have to supplement endlessly the one tool we have; “It was snowing, and the snow was x, y & z.” This, rather than saying simply “It was x-ing;” where ‘x’ is one of these other, more specific terms for snow, the way that ‘broil’ is more specific than ‘cook.’ As a result, our vision of the past doesn’t account for a great deal of our experience and much of our life-with-snow goes unrecognized and unrecorded, which is almost the same thing.

I’ve been thinking about this lately because I’ve been losing my languages. I wake up and go down to the workshop and reach for my oldest words, my tools, and they are not there. The equipment with which I have hitherto constructed my habitat is vanishing, has vanished. It would be easy enough to leave the matter there: I’m losing my language! Sighs! Signs! Moody Possibility!

But that wouldn’t help me much, and moreover, it would risk making a metaphysics of language such that in mourning my language, I would also, in some sense, be mourning metaphysics. This was the sort of thing people did a lot when I was growing up: mourning metaphysics in the guise of investigating language. Very intense, very precious; often very remarkable. Sometimes I like to think my generation is more practical. We’ve had to be, I think, because it turns out there is such a thing as objective conditions after all.

What words exist in Greek that don’t exist in English? Once I have those, I will make up words in English that correspond to the missing Greek words. Part of me feels that this trans-linguistic exchange might be the only way to defeat nationalism once and for all. Just, you know, get it over with and make whatever language we are living in as big and as beautiful as possible. Consolidate all the inventories, and give similar terms more specific meanings, until we can all remember everything forever and by its own name.

Stephen Squibb as Georgia Sagri

Georgia Sagri would like to thank: Sacha Béraud (website programming assistance), Maria Trofimova (photographs, documentation) and Serafin Brandenberger (exhibition assistance)

du 19 avril au 17 mai 2015

Une exposition en ligne avec streaming en direct (www.exhibita.ch) et une exposition physique à Forde

Vernissage
Dimanche 19 avril 2015, dès 18h

Présentation/performance
Jeudi 23 avril 2015, 16h–21h
(streaming en direct sur www.exhibita.ch)
voir la performance

ouvert les samedis et dimanches de 15h à 18h et sur rendez-vous (+41 78 666 80 65)

Il existe une histoire ancienne que l’on raconte en Amérique du Nord au sujet d’un esquimau disposant de 36 mots différents pour décrire la neige. Elle est probablement fausse. Mais je suis plus intéressée par le propos de l’histoire plutôt que par le fait qu’elle soit vraie ou fausse. Qu’essaient de communiquer les gens quand ils racontent cette histoire ? De quoi parlons-nous lorsque nous parlons d’un argot de la neige esquimau ? Que disons-nous à propos de la langue et de la façon dont elle est reliée aux pratiques quotidiennes ? La réponse simple serait, vraisemblablement, que les esquimaux ont une bien plus grande expérience de la neige que les non-esquimaux, et qu’ils ont donc développé une faculté de goût extrêmement sensible en terme de neige. Ils peuvent distinguer entre différents types de neige avec une précision qui laisse nos esprit moins expérimentés perplexes. Parce que ce langage pour décrire les précipitations hivernales nous fait défaut, nos expériences de la neige sont chacune, je m’excuse, regroupées en un mot : neige. Alors même que nous comprenons qu’il y a une grande différence entre quelques petits flocons parsemés et des flots mouvants de giboulée et de grandes flottes occasionnelles qui disparaissent avant l’aube.

Nous comprenons ces différences, mais quand nous essayons de nous en souvenir, nous réalisons que nous n’avons pas les outils. Ou alors, nous devons compléter indéfiniment le seul outil dont nous disposons; « il neigeait, et la neige était x, y et z ». Ceci, plutôt que de dire simplement « il x-ait », où « x » est l’un des ces autres termes, plus spécifique, pour « neige », de la même façon que « griller » est plus spécifique que « cuire ». Par conséquent, notre vision du passé ne rend pas compte d’une bonne partie de notre expérience et notre vie-avec-la-neige passe largement inaperçue.

J’y ai pensé dernièrement parce que je perds mes langues. Je me réveille et je descends à l’établi et essaie d’atteindre mes mots les plus anciens, mes outils, et ils ne sont pas là. Le matériel avec lequel j’ai jusqu’à présent construit mon habitat se volatilise, s’est volatilisé. Il serait facile d’en rester là : je perds ma langue ! Soupirs ! Signes ! Perspective maussade !

Mais cela ne m’avancerait pas à grand chose et qui plus est j’encourrais le risque de faire de la langue une métaphysique, si bien qu’en déplorant la perte de ma langue, je déplorerais également, d’une certaine manière, une perte de métaphysique. C’est une chose que les gens faisaient fréquemment lorsque j’étais enfant : déplorer une perte de métaphysique sous couvert d’examiner la langue. Très intense, très précieux; souvent extrêmement remarquable. J’aime à penser parfois que ma génération est plus pragmatique. Nous avons été forcé de l’être, je pense, parce qu’il s’avère qu’il existe malgré tout quelque chose comme des conditions objectives.

Quels mots existent en grec qui n’existent pas en anglais ? Une fois que je les aurais trouvé, j’inventerai des mots en anglais correspondant à ceux qui manquent en grec. Il me semble que cette échange translinguistique est peut-être l’unique moyen de vaincre le nationalisme une fois pour toute. En finir tout simplement et essayer de rendre la langue dans laquelle nous vivons, peu importe celle-ci, aussi dense et belle que possible. Consolider tous les inventaires, et donner aux termes proches des sens plus spécifiques, jusqu’à ce que nous puissions tous nous souvenir de toute chose et par un nom qui lui est propre.

Stephen Squibb as Georgia Sagri

Georgia Sagri remercie: Sacha Béraud (assistance programmation du site internet), Maria Trofimova (photographies, documentation) et Serafin Brandenberger (assistance pour l’exposition).

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photos: Maria Trofimova