Exposition du 29 avril au 30 mai 2022.
Et soudain, alors que rien ne laisse présager une telle nouvelle, tu es choqué.e.x de découvrir ce qui se trame malgré toi. Depuis son salon vers sa fenêtre, Kelly Tissot chasse l’âme des objets pour élaborer une anthropologisation formelle du quotidien. Incrédule.x.s, on observe des mises en scène qui libèrent les objets de leurs adresses et dépersonnifient leurs valeurs artistiques et domestiques afin de croire à leur réalité matérielle. Family Portraits fait correspondre des symboles sociaux de la province à leurs pouvoirs symboliques. Incarnés dans des objets de transferts, leurs usages désirent moins exprimer que reconnaître le réel: posters de motos, lanières roses, mouches agrandît, barrières pour bétails qui structurent et font office de point de vue… déstructurant totalement les corps présents, transformés en fantômes de l’exposition.
Après avoir abandonné.e.x.s toute réception rassurante, ton étonnement laisse place à l’effroi. La famille est une série de portraits photographiques de motos et de quads. Ils produisent le malaise propre au fétichisme historique qui rejoue les codes des boomers et des adolescent.x.e.s ayant décidé.x.e.s de se réfugier dans les vestiges hormonaux de leur testostérone. Le «médium photographique», concept du XXe siècle, est utilisé dans toutes ses possibilités d’exploration, allant de l’enquête documentaire jusqu’à la promotion publicitaire, de la contre-plongée au branding fasciné, d’une reconnaissance fidèle à son altération physique extrême. Ces photographies retranscrivent et subliment des mises en situation qui, prélevées de leur contexte originel, révèlent de multiples traces d’usures – de poussières, de pailles, de terres, etc. – de ces machines qui ont été stockées dans un hangar poussiéreux en attente d’un devenir. Si le signe des photographies se met en scène et se « personnalise » avec des enfilades de mouches, son référent (les motos et les quads) est quant à lui bloqué dans son inactivation et sa réification.
Vient enfin le moment où le confort des barrières donne soif. Tu lâches prise et tu t’abandonnes totalement à ces portraits de famille par lesquelles la duplicité du sentiment d’appartenance à un système construit est rejouée. Il réunit aussi bien des fratries que des réseaux artistiques qui s’auto-nomment et s’auto-identifient. Les conflits d’affiliations et ses multiples embranchements hiérarchiques sont injustifiés, de fait, mais normés et acceptés. Les barrières nous dirigent et compartiment notre regard, le cannibalise et le stock – comme si les œuvres servaient à accumuler du capital symbolique – et s’en nourrissent pour confondre l’esthétique kitch à des problématiques de la working class. Les mouches collées ornent et signent le moment de notre disparition par la décomposition avancée de notre capacité à percevoir à travers le spectre évident des logotypes. À l’imaginaire d’une authentique campagne ancrée dans la terre, la mise en série et la mécanisation de nos régimes de perceptions nous ramènent à la décomposition de nos corps et de leurs affects.
Photographies de Remy Ugarte Vallejos







